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De Nègre d'après d'Hozier

« La connaissance du blason est la clef de l’histoire de France », Gérard de Nerval, le château de Longueval Bucquoy, réflexions.

        La lecture de cette phrase exhumée par Patrick Ferté dans son dernier livre : « Arsène Lupin, la symphonie des coïncidences », a fait « trink » en moi, façon rabelaisienne !

        L’œuvre complète de Gérard de Nerval est dans ma liseuse en attente de lecture depuis un certain temps …

Je me suis donc replongé dans la consultation de l’Armorial d’Hozier.

        Ma première immersion dans cette matière fut décevante car retrouvé un personnage dans celle-ci revenait à extraire un fétu de paille d’un hangar à fourrage. Par chance de nouveaux outils de recherche internet facilitent désormais grandement la démarche.

        L’objet de ma recherche : la famille De Nègre naturellement.

        Et contre toute attente…

        Plusieurs familles apparaissent en Languedoc mais je dénichai un porteur de moi connu comme l’exprimerait Achille Talon.

        Son histoire est édifiante car elle reflète parfaitement les tumultes qui agitaient les familles nobles de la région.

        Jean Thimoléon de Nègre, bailli du Pays de Sault

        Son blason se lit : « d’azur au dextrochère d’argent tenant une épée de même, séparant deux fleurs de lis de même ». Un bras nu armé d’une épée symbolise bien un combattant émérite, ardent défenseur de son suzerain.

        Peut-on imaginer que l’azur remplaça le sable (noir) lors de l’hommage rendu au roi de France ? Et que les deux fleurs de lis marquèrent le difficile choix imposé aux De Nègre : faire tampon entre deux familles royales, les Maisons de France et d’Aragon ?

        Du reste, l’azur ne s’imposa que tardivement en héraldique. L’argent et l’or ont toujours tenu leur place de « métaux ». Cependant, les « émaux » ne rassemblaient primitivement que le noir (sable) et le rouge (de gueule).

        Sur « la toile », de nombreux auteurs citent, en lien avec cette famille, un certain « Nicolas Nègre, capitaine des arbalétriers du roi, mort en 1389 », in « archives royales conservées à la bibliothèque nationale » et Études sur les armées des rois de France 1337-1494 par Philippe Contamine.

        J’ai suivi cette piste.

        Le document à consulter est la référence 6687 de l’inventaire des sceaux de la collection Clairambault à la Bibliothèque nationale. Tome 2 / par G. Demay.

        La notice mentionne : Nicolas de Négro, connétable d’arbalétriers à pied du pays de Gênes, guerres de Picardie 1387. En somme un mercenaire ?

        Le dextrochère, bras armé du mercenaire, bras de justice. Les familles de haute noblesse avaient intérêt à intégrer par le mariage ces puissants guerriers pour asseoir un peu plus leur légitimité en en faisant des vassaux fidèles. Encore eût-il fallu qu’ils possédassent un minimum de lettres de noblesses.

        « On parle pour la première fois de la milice des arbalétriers en France sous Louis le Gros. Le deuxième concile de Latran interdit l'arbalète comme une invention trop meurtrière. Richard Cœur de Lion et Philippe-Auguste n’en tinrent pas compte : les arbalétriers rendirent de grands services à la bataille de Bouvines (1214). Son emploi en rase-campagne était médiocre, dû essentiellement à la lenteur du rechargement de l'arbalète et s'avérait donc plus efficace lors des sièges. Richard Cœur de Lion mourut ainsi au siège de Châlus et Jeanne d'Arc fut blessée d'un carreau en assiégeant Paris ». Wikipédia.

        Un lien possible avec les De Nègre du Pays de Sault aurait pu naître à la faveur de cette particularité de Palma de Majorque où un quartier entier, le barrio italiano, était le lieu de résidence de riches Génois. Leur implantation remonterait-elle à la lutte contre les musulmans pour la reconquête de l’île ? Auquel cas ce Nicolas pourrait être un ancêtre sachant qu’un des derniers endroits où les De Nègre auraient pu s’illustrer dans la lutte contre les Maures fut précisément Majorque.

        Mais son écu portait une feuille de scie accompagnée en pointe de trois fleurs de lis. Le meuble principal, une scie / une épée est par trop différent.

        Un bémol toutefois.

        Jacques Rivière et coll., dans leur livre « Le secret de l’abbé Gélis, la piste corse » rapportent la survivance tenace en Corse d’une croyance aux sorciers dont un des talismans protecteurs consistait en un avant-bras de bébé terminé par une main qui « fait les cornes », taillé dans une branche de corail. On en nantissait les nouveau-nés dès la naissance. Les adultes se protégeaient en portant un cierge dans la poche. Si par malheur celui-ci se transformait en bras d’enfant c’est qu’ils avaient rencontré un sorcier et en étaient devenu un, eux-mêmes. Or la présence génoise en Corse était effective aux XIII ème siècle et pour cette raison, les Corses avaient pris parti pour le Royaume de Majorque. Cette protection pourrait expliquer le dextrochère arboré par les De Nègre. Auquel cas la piste génoise serait plausible.

        Une autre famille De Nègre habitait Montauban. Robert Ambelain décrit ses hommes comme des francs-maçons hautement initiés dans les sciences secrètes affiliés à la loge Isis du rite primitif des Chefdebiens dès 1759 et qui créèrent le rite de Memphis à Montauban en 1815. Malheureusement et comme le supputait Patrick Ferté, les familles De Nègre de Montauban arboraient une ou plusieurs têtes noires (de maure) sur leur écu, une composition différente de celle de Thimoléon. Notons que la famille de Montauban fréquenta certainement les d’Hautpoul-Fleury très engagés en franc-maçonnerie, lors de certaines tenues communes.

        Enfin, l’armorial d’Hozier mentionne ce blason :

        Que l’on peut attribuer à un parent de Thimoléon car il fait apparaître le champ d’azur et une épée en main. Le chef de gueule se justifie par la qualité religieuse de ce porteur de couleurs et peut être une brisure apportée par rapport au blason du titulaire de la lignée.

        Pour découvrir les ascendants et descendants / collatéraux de Thimoléon rendons nous sur l’excellent site de JP Lagache consacré à Belcaire (http://belcaire.over-blog.com/article-pays-de-saul-l-histoire-des-chateaux-de-belcaire-et-de-la-famille-de-negre-77084720.html).

        « Afin de mettre un terme à la haine qui, par suite des guerres de religion, divisait les deux familles de Lévis (du parti Réformé) et de Nègre, un mariage fut conclu en 1598 entre Antoine 1er de Nègre seigneur de Bleau et Jeanne de Lévis.

        Leur fils unique, Pierre de Nègre qui sera bailli de Sault se maria avec Marguerite de Verniolles ; de ce mariage naquit Jean de Nègre.

        Pierre de Nègre fit une seconde noce avec Angéline Gayraud fille de Pierre Gayraud seigneur de Clat, de cette nouvelle union naquit Pierre de Nègre.

        Cela donna généalogiquement parlant, deux branches. La première branche fut celle des de Nègre d'Able avec Jean de Nègre ; et la seconde fut celle des de Nègre du Clat avec Pierre de Nègre, fils d'Angéline ».

        Pierre de Nègre, fils de Thones de Nègre qui vivait à Niort, fut bailli de Sault. Il avait une sœur qui se prénommait Jacquette. Le 12 janvier 1555, il épousa à Prades (Ariège) en premières noces Marguerite de Verniolles du comté de Foix, de ce mariage naquirent Jean de Nègre qui a fit la branche dite d'Able et épousa Jeanne de Gelli le 15 janvier 1589 ; Et Antoine 1er de Nègre qui se maria à Jeanne de Lévis le 19 avril 1598, Antoine était seigneur de Bléau, capitaine de 200 arquebusiers, bailli de tout le Pays de Sault. Antoine et Jeanne n’eurent qu’une fille : Louise de Nègre mariée à Jean Bonnet de Claverie de la ville d'Ax-les-Thermes. Jeanne de Lévis mourut jeune et Antoine 1er de Nègre fit une seconde noce avec Philippa de Fournier et ils eurent quatre enfants : Jean-François, François, Pierre et Marie.

        Une erreur s’est glissée entre ces deux séquences liées à la confusion entre le diminutif « Thones ou Thonet » et Antoine qui fit confondre Thones le père de Pierre et Antoine I er, le mari de Jeanne de Lévis. Ainsi pour certains sites généalogiques, le mariage de ces derniers serait survenu vers 1525 alors que les guerres de religion n’avaient pas encore débuté (1562-1598, mais pas avant 1540 : essor du calvinisme en France).

Pour revenir à Pierre de Nègre celui-ci se remaria le 1er février 1558, après le décès de Marguerite, avec Angéline de Gayraud, fille de Pierre de Gayraud seigneur du Clat et de La Prade et d'Isabeau de Niort. De ce second mariage naquirent trois enfants : Pierre de Nègre, né en 1575, qui a fait la branche dite de Niort marié à Raymonde de Germa décédée le 11.8.1623, Jean de Nègre décédé célibataire, et Marie de Nègre qui épousa Arnaud Thuillier de la ville d'Ax-les-Thermes.

        « Cela donna effectivement généalogiquement parlant, deux branches. La première branche fut celle des de Nègre d'Able avec Jean de Nègre ; Et la seconde fut celle des de Nègre du Clat avec Pierre de Nègre, fils d'Angéline ».

        Jusqu'à présent la famille de Nègre résidait à Belcaire ensuite la branche des de Nègre d'Able habita à Niort, tandis que la branche des de Nègre du Clat resta à Belcaire, où après les guerres de religion, ils rebâtirent leur château incendié et ruiné.

  • « Jean de Nègre d’Ables, fut investi de la charge de bailli en 1594. Il possédait une scierie à Lafajole, au lieu-dit Fount de Touillou. Il acheta aux commissaires du roi, délégués à l'aliénation des petits domaines, le château ruiné d'ABLE situé au Sud de Belvis et ses dépendances, situé dans le consulat de Belvis, ainsi que la montagne de Lacam au consulat de Niort. Les titres de sieur d'Able et de Lacam passèrent dans sa famille. Uni à Jeanne d’Angeli, ils eurent un fils, Pierre seigneur d’Able et une fille, Françoise unie à Jean Jacques de Couderc, seigneur de Cazelles.

  • Jean Thimoléon de Nègre d'Able (1629-1703), seigneur de Gébetx, Montpied, Lacam acheta en 1667 la seigneurie de Rodome et succéda dans sa charge de bailli à son père de 1664 à 1703. Jean Thimoléon était commandant en chef de quatre compagnies des huit régiments de milice du Languedoc. Le 1er août 1654, il accueillit à Belcaire le prince de Conti qui rejoignait une armée en Catalogne. Il fut marié le 14 octobre 1664 avec Marie-Anne de Corneille ou Cornille, décédée en 1692, originaire d'Aunat, où un Jean Corneille était notaire en 1699. De ce mariage naquirent 12 enfants. Quatre garçons épouseront la carrière religieuse : Antoine, César, Benoit et Jean Anne. François se maria à Toinette Gaichier de Roquefeuil. Jean François de Montroux (1687-1769) fut cornette (correspondant à l'actuel sous-lieutenant. Son rôle dans la bataille était de tenir l'étendard de la compagnie) au régiment de dragons du Languedoc. Il succéda à son frère François dans la charge de bailli en 1721. Le 17 mai 1732 le curé de Niort mourut assassiné de nuit au milieu de la rue. Jean-François fut accusé de ce meurtre par contumace puis négocia avec l’évêque d’Alet sa grâce. Il assura le tutorat de Marie de Nègre d’Able (MNA) à la suite du décès de son père en 1721. Marguerite de Nègre, l'aînée de la famille de Thimoléon, fut mariée en mars 1694 à Pierre de Casemajou, coseigneur de Niort. Les cinq autres filles : Anne-Marguerite, Marie-Anne, Marie, Toinette et Rose.

        Avec tous ces enfants, la famille de Thimoléon de Nègre était à son apogée, Son nom était respecté et il fit de belles alliances ce qui lui permit d'agrandir son riche domaine. Ainsi en 1667, il acheta au baron de Coustaussa la seigneurie de Rodome et la coseigneurie de Niort.

        A sa mort en 1703, Thimoléon de Nègre possédait cinq fiefs nobles. Ses fils hériteront de la charge de bailli, qu'ils se transmettront jusqu'en 1770, date à laquelle la famille s'en sépare définitivement ».

  • Le second mariage de Pierre de Nègre, seigneur de Ferrières, avec Angéline de Gayraud accueillit cinq enfants dont Jean Jerôme, baron du Clat et Nantillas qui s’unit à Jeanne Somptiech ou Sompchiex, ariégeoise de Pamiers qui lui apporta des biens à Montaillou. Ils eurent deux fils et trois filles dont Arnaud, seigneur et baron de Touzels, du Clat, du Bosc, et autres places. Il épousa en 1720 à Roquefeuil Marie Claire de Marsol fille de Pierre de Marsol procureur du roi. Ils eurent deux fils et deux filles dont Jean Jérôme, né à Belcaire le 30 mai 1721, seigneur du Clat, qui épousa le 12 octobre 1747 Marguerite Darech de La Barthe d'Antugnac fille de Pierre de La Barthe trésorier de France à Mont- Louis, seigneur et baron d'Antugnac. Ils eurent dix-sept enfants, huit garçons et neuf filles, neuf sont morts en bas âge ; certains furent dispersés par la Révolution. C’est l’un des garçons, Marie Joseph, qui se maria à Marguerite de Gayraud, baronne de Villetritouls dont l’acte fut relaté par Mahul ».

 

 

        Une légende castel rennaise prétendait « qu’un certain secret relatif à un dépôt en résidence dans la famille se transmettait exclusivement par les femmes ».

        Un secret lié à l’humanité de Jésus et que propagea la première des apôtres Marie de Béthanie, la Vierge Mère, porteuse de ce fragile flambeau propre à tenir éloigné certains Supérieurs Inconnus.

        Est-ce que ce secret se transmettait de belle-mère à bru de façon à préserver la primogéniture mâle ? Or le seul fils de Marie de Nègre d’Able, le petit Joseph né en 1737 décéda en bas âge. Ainsi s’envolait toutes chances d’assurer la pérennité de la mission. Ce qui aurait pu inciter MNA de transmettre son secret à un personnage digne de confiance, son chapelain Antoine Bigou.

 

        Ce qui est certain, in fine, c’est que Madame la Marquise et sa fille Elisabeth, dernière représentante de la branche Hautpoul-Rennes interdiront l’accès aux archives familiales en leur possession sous prétexte « de craindre qu’une pièce précieuse ne s’égare » ou « qu’il faut faire déchiffrer les pièces et séparer les titres de famille de ceux qui ne le sont pas ». Et leur notaire de renchérir ; « qu’il n’y aurait pas prudence de ma part de ma dessaisir d’un testament de si grande conséquence ».

 

        Rappelons que le titre de Marquis de Blanchefort fut apporté dans la corbeille de mariage à François d’Hautpoul par Marie de Nègre d’Ables, titre qu’elle ne pouvait relever elle-même par sa qualité de femme. Ce Marquisat était attaché aux noms de Roquefeuil et de Comminges et s’écrivait à l’origine « Blancafort ».

        François d’Hautpoul déploya une ardeur maladive pour relever ce titre, imprégné de sa grande valeur tout en ignorant les termes du Secret ?

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