Au delà...
Connais-toi toi-même nous dit Socrate. L’arbre des Séphirots est une voie évolutive douloureuse et solitaire.
L'arbre des Nombres
L'homme est une pomme bleue. Du latin « pomum » qui désigne le fruit. A l’origine, en héraldique, le bleu n’existe pas. Seul le « sable » existe, pour le noir. La terre noire, « al-khémia », ce limon apporté chaque année par la crue du Nil pour amender cette fertile vallée. Noire est la couleur de la matière prochaine de l’Œuvre.
La pomme choit de l'arbre en retombant de branches en branches, tombe à terre, subit la maturation de l'hiver et au printemps, les graines (0) germinent pour redonner un arbrisseau qui reproduira le schéma.
Le bateleur bât la mesure de la chute avec sa baguette. Le I, l'aleph, le véritable commencement, enferme en lui, potentiellement, la divine trinité.
« Avant le début, il n’y a que l’unité, immobile. Une partie de cette unité se met en mouvement. La partie agitée prend le nom de Ténèbres, constitués de matière, l’âme tiers, de la Lumière coagulée. ». P Burensteinas
Ce cycle, dans la Gnose, Jean Haab le nomme « involution » car pour l'âme qui vient du ciel, la naissance est une mort.
Certes, il parle de création mais elle bute inexorablement sur la réincarnation. Et la création n’est que de l’agitation, domaine d’expression du principe Soufre, et des émotions.
Une autre voie est possible. Celle de la remontée, de l'évolution et de la dé-création. Pour retrouver la Lumière, il faut partir en quête de l’immobilité et de l’alignement.
Avant le I, c'est le 0, l'AIN, le néant hébreu mais aussi la source pour les arabes. C'est vrai que l'infini est déstabilisant. L'AIN est l'espace des possibles ou du Rien. C'est à tout un chacun de fixer sa conviction.
Mais le I ne peut pas se manifester. Seule la dualité peut créer. C'est pour cela que la Genèse commence par le Beth de bereshit, « au commencement, … ». Beth désigne aussi la trame…
L'aleph-tav devient le beth-tav, le beitel, la demeure de Dieu.
Au moment où le premier androgyne s'est fractionné, l'éternel féminin a jailli en Binah (la papesse, grande prêtresse) et l'éternel masculin, en Hochmah (le pape, grand prêtre). Mais au plus haut d'Aziluth, l'inconscient confine au Nirvana et la sexualité n'est que potentielle. La papesse n'enfante pas. C'est la Nature Naturante.
L'émanation de l'empereur et l'impératrice vers la sphère invisible Daath, provoqua un ébranlement cosmique et les polarités qui deviendront le pape et la papesse s'élancèrent à leur tour de Kether. La polarité masculine est rouge, sèche, électrique. La polarité féminine est bleue, humide et magnétique.
Deux, engendre en fait, quatre.
L'éternel féminin créateur est donc l'impératrice. C'est la Nature Naturée, Vénus.
Le fils, l'empereur, Mars, accepte alors le grand sacrifice de s'unir à sa mère (le couple papesse-impératrice), dans le parfait respect du mythe Œdipien.
Daath est un sas où siège la troisième lettre hébraïque, Ghimel, le chameau et la quatrième, Daleth, l'équerre, la porte basse. D'où la métaphore du chameau et du chas d'aiguille pour exprimer le concept de la foi inconditionnelle.
L'énergie mâle émanée du père a deux intentions. L'une dirigée vers le bas, manipulée par Lucifer, le démiurge, régent de la création. L'autre est orientée vers le retour à l'unité. Elle est l'œuvre du Christ.
L'un créé mais éloigne l'âme des hautes sphères pour la projeter dans la matérialité afin de l'éprouver. C'est une involution. Cette voie est chiffrée à la romaine. L'autre propose de rompre le cycle des réincarnations pour lequel le 0 est du pur néant et, en pleine conscience, choisir son chemin vers la complémentarité. Les chiffres arabes bornent cette allée.
Nous avons parlé du pape et de sa pomme bleue en évoquant le pentagramme, l'étoile des Mages, le Hé, la cinquième sphère et π. L’étoile signe le mercure commun dans le compost qui devra être sublimé pour devenir philosophique.
Les deux triangles du sceau représentent ce choix : monter ou descendre. Le libre arbitre (ce choix) est ce qui distingue l'homme des autres créatures. Le 6 est un nombre d'homme, 5+1. C'est ce choix qui s'offre à l'Amoureux.
En Géburah, le glaive de Zaïn ouvre la voie du juste. Celle du sacrifice. Du latin "sacrum facere", faire le sacré.
Tiphéreth, telle une araignée au centre de sa toile, garde le passage initiatique de l'Ermite. Il avance, masqué de sa cape pour plus de discrétion, armé de son bâton de marcheur courageux. Un serpent l'accompagne pour signifier les dangers cachés.
D’après Jean Haab, « Gnose »
L'Ermite ne sait plus, il connaît.
Malkuth est le reflet de Kether. C'est le fond de la piscine sur lequel il faut prendre l'impulsion de la remontée. La roue de la Fortune rappelle cet ultime choix que garde le sphinx. La dixième lettre est le Iod. La lettre la plus simple dans sa graphie. Plus la forme disparaît, plus la Force apparaît. Le Iod va se fondre avec un point et un point c'est tout !
« Malkuth incarne le stade ultime de la forme, dense et palpable, incapable d'exister plus concrètement. Elle est notre univers, notre planète, notre corps et toutes choses animées et inanimées qui nous entourent. Malkuth est le Royaume des formes imaginées enfin réalisées. Malkuth est aussi le lieu où les liens entre force et forme se dégradent et se rompent, le seuil où l'on "rend l'âme", où ce qui ne peut être assimilé devient déjection. ». (http://www.kabbale.org/arbre_sephiroth.htm).
Il est intéressant de comprendre comment les alchimistes du XVI ème et XVII ème siècle concevaient le Monde et la Nature qui les entouraient. C’est en m’intéressant à Clovis Hesteau de Nuysement que j’ai approché cette conception, qui est reconductible dans les écrits du Cosmopolite et d’autres.
En fait, ce qui me perturbait à l’origine, c’était le titre du traité de Nuysement : Traités du vrai sel secret des philosophes et de l'esprit général du monde. J’ai fait l’effort de la lecture et grand bien m’a pris, car leur approche est loin d’être inepte.
Voir en annexe pour plus de précision.
Pour Jean Haab, Yesod est la fin de la descente de l'arbre des Nombres (Sephirots).
La porte de l'Enfer. Cette sphère héberge les lames XI et 12. Dans la XI, une jeune femme maîtrise un lion, pour exprimer le fait que la force véritable est le calme du cœur. La lame 12 exprime l'influence de l'Astrologie sur la vie terrestre.
La 12 ème lettre, le Lamed, symbolise une antenne entre le ciel et la terre. Ce lien, c'est la Rosée qui fournit le dissolvant universel ou chien d'Arménie. La lame 12, le pendu, symbolise ce sel sous la forme du Soufre inversé, la + surmonte le glyphe de l'eau. La traverse retenant le pendu est maintenue par deux arbres. L'ensemble reproduit le symbole du Nitre que l'on retrouve symbolisée également sur la planche 1 du Mutus Liber.
Le recueil de la rosée se fait à l’équinoxe de printemps, en Mars Avril, sous les signes du bélier et du taureau.
Au 13, démarre l'œuvre au Noir, la matrice de toutes les couleurs. A l'abri des rayons solaires.
Le 13 = 12 + I et le 12 c'est le cercle dont le centre héberge le grand soleil invisible. Cette intention de retour, fruit du libre arbitre ne s'acquiert que par l'épreuve. Toutes ces morts, initiatiques ou non, mais qui peuvent le devenir si nous décidons de transcender la douleur en la mutant en Force.
« La dérision en toutes choses est l'ultime défi au malheur » nous dit Sébastien Japrisot dans un long dimanche de fiançailles.
La minière est réduite en sa plus simple expression, en poudre. Poussière, tu n'es que poussière, comme cet Ego envahissant qu'il faut contraindre.
A la lame 14, le bon grain est séparé de l'ivraie par la tempérance. Les composants de la prima matéria sont dissociés grâce à la Rosée et séparés. La lettre hébraïque « Noun » est la gardienne du grand œuvre, d’après Johan Dreue. Elle signifie le poisson tiré hors de l’eau. Je n’abonde pas dans ce sens. Malgré tout, la quatorzième lettre symbolise l’élément azote et à ce titre, désigne le dissolvant sans qui rien ne serait.
A la lame 15, nous retrouvons notre ami le Baphomet à qui échoit le difficile calcul des poids de nature pour ré-amalgamer notre matière dans de plus juste proportions.
Baphomet et non pas le diable (diabolos en latin) qui signe la division. Notre personnage est mamelu ! Son casque est armé de bois de cerf, symbole alchimique de l’âme, du Soufre. « C’est le feu secret, l’agent de l’œuvre, un sel double figuré par les deux diablotins enchainés à l’enclume. Quant au moyen de capter l’énergie mercurielle : les bois simulent des croissants lunaires ». (Dans la forêt hermétique, la licorne, quant à elle, représente l’esprit, le mercure), R.K.
Alors, commence la nuit philosophique, estompée par le pudique Voile d'Isis. Jésus traverse le désert et est soumis pendant 40 jours à la tentation de Mamon. L'union s'accomplit dans le ciel alchimique.
« Le soleil en est le père, la lune, la mère, le vent l'a porté dans son ventre »
Et à la Noël, le baigneur repose dans la crèche, comme l'Arche sur le mont Ararat. Le déluge et la tempête sont terminés. Le temps est calme. La Maison Dieu est ouverte (16). Le sang des Saints Innocents, le Soufre philosophique, le loup de Corascène, est collecté à l'aide d'une pipette. Les anciens travaillaient à la plume. Qu'importe ce n'est affaire que de capillarité.
Au ciel, brille un firmament d'étoiles. L'addition des 17 premiers Nombres donne 153. Autant que le nombre de poissons de la pêche miraculeuse.
Le cristallisât restant, noirâtre, aile de corbeaux, est nettoyé à sept reprises avec l'esprit des étoiles, qui est déposé goutte à goutte, pour éviter tout nouveau déluge.
De la Lune (18) tombent des gouttes de rosée de Mai. C'est l'heure du chien. L'écrevisse symbolise nos instincts (notre Soi) qui ne veulent pas lâcher prise.
Le soleil (19), c'est le point dont la sagesse populaire nous dit qu'il est tout. Par-delà les étoiles, le grand soleil central est invisible. C’est la Source de la lumière noire et c'est le temps du loup lunaire de Corascène, de la quintessence. Des gouttes dorées se détachent du soleil flamboyant pour purifier deux enfants nus. Le mur de briques rappelle la tâche qui était impartie aux hébreux en Egypte, où ils n’étaient nullement esclaves, mais ouvriers très qualifiés et appréciés pour leur savoir-faire dans la fabrication de ce matériel. De ces briques, l'adepte en a fait son Athanor ! Une métaphore pour évoquer un régime de chaleur constant.
Nous retrouvons Daath qui est devenue la demeure du Christ rédempteur. Mais la pierre n'est pas fixe, il faut la multiplier.
En 20, le vase est brisé à nouveau pour un nouveau cycle. C'est l'heure du Jugement. La multiplication utilise l'eau ardente 12 et l'huile 15.
Le Monde (21) représente une femme qui trace un Tav. L'aleph était la source de l'âme qui s'engageait dans la chute et l'incarnation. Le Tav est la Source qui accueille les âmes lors du Grand Retour. Cette femme est ceinte d'une couronne (Kether) de laurier (l'Or y est). Dans ses mains, deux baguettes, alors que le bateleur n'en avait qu'une. Les quatre animaux symbolisent les quatre éléments. Ils constituent par leur assemblage, le Sphinx.
La jambe gauche de cette femme refait un 4.
Par ce signe, tu l'as vaincu !
En 22, l'âme réintègre l'unité divine mais en conservant la conscience d'Etre. Nouvelle multiplication.
Le Père est propulsé dans l'Aïn et sa place revient à son fils. Un fils prodigue à l’instar de ce fol de la lame sans chiffre, associé à la lettre Shin qui symbolise le Feu divin.
Au moyen-âge, le fou avait cette particularité de vivre en marge de la société, libre d’Etre et de penser. Est-ce folie ou Sagesse ? Si l’on rajoute le shin aux lettres de Yahvé, on obtient Yeshoua, c.à.d. Jésus … Il arborait le jaune vert, l’or vert ou naissant. L’or philosophique, le « Régulus ».
La permutation de la 21 ème et de la 22 ème lettre est rendue possible par le fait que la lame sans nom, 13, n’a pas de correspondance hébraïque dans le tarot d’Oswald Wirth. Toutes les lettres glissent d’un cran à gauche pour libérer le shin réservé à Mat. Mat veut dire tuer en arabe (matar). C'est la seconde mort.
La graphie du shin est proche de l’oméga grec et du W français. Ce dernier partage avec le X le fait d’être constitué de deux V accolés. La double quintessence selon Fulcanelli. Pour lui le X est le signe graphique de l’étincelle. C’est l’emblème de Polytechnique, son école, dont la maxime est « soufre et potasse pour l’X ». Les moustaches du chat noir de Rodolphe Salis, dessinent judicieusement ce X. « Le X est le symbole du sel d’ammoniac et le symbole de la lumière, l’ammoniac étant le promoteur du Mercure. Le X traduit aussi le sel ammoniac des sages, ou sel d’Ammon (ammoniacos), c’est-à-dire du Bélier, que l’on écrivait jadis avec plus de vérité harmoniac, parce qu’il réalise l’harmonie (armonia), assemblage), l’accord de l’eau et du feu, qu’il est le médiateur par excellence entre le ciel et la terre, l’esprit et le corps, le volatil et le fixe. C’est encore le Signe, sans autre qualification, le sceau qui révèle à l’homme, par certains linéaments superficiels, les vertus intrinsèques de la prime substance philosophale. Enfin, l’X est le hiéroglyphe grec du verre, matière pure entre toutes, nous assurent les maîtres de l’art, et celle qui approche le plus la perfection ». D.P.
Sur cette lame, le fou ou le « fêlé » (de « follis » : soufflet à l’usage du feu) est attaqué au derrière par un chat. Mat et matou dérive de mater, dompter, d’après Richard Khaitzine. Le matou découvre « l’intimité » du fou, sa « lune » dont les cornes ont fourni l’origine de la métaphore du « cône ». Car le Fou est représenté sans son attribut traditionnel, la marotte, ou « mérotte », « mérelle », petite mère, la lune qui est évoquée par ce moyen. CQFD.
A son bâton, pend une besace fait d’une vessie. A ne pas prendre pour une lanterne !
C’est le Mercure arrivé au stade philosophique, un corps réfléchissant qui était le dissolvant naturel du pouvoir royal. Bernard Roger.
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