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Si Pâris m'était conté, à Bourges, centre du Monde.

De la Grèce au Razès, la quête de la Toison d'Or.

Au sortir de la guerre de cent ans, la France est exsangue.

Les charges héroïques ont décimé la fine fleur de la chevalerie à Crécy, Poitiers ou Azincourt et la tactique militaire amorce une mutation profonde. L’artillerie fait son apparition et la chevalerie passe au second plan.

Parallèlement, l’épisode de la rançon de Jean le Bon exigée par l'Angleterre justifia un financement centralisé, géré directement par le Dauphin. En effet, le paiement d'une rançon était le seul cas où la levée de l'impôt était automatique et non soumise à longues tractations avec les états.

Lorsque Charles V mit fin à ce paiement après n'en avoir honoré que le tiers, il ne supprima pas la levée d'impôts mais l'affecta à ses besoins militaires. C'est ainsi que la guerre de Cent Ans et l'épisode de la rançon royale joua un rôle charnière dans la constitution d'une finance royale autonome (ne dépendant plus des désidératas de la noblesse et des états) et d'une armée directement sous le contrôle royal : ce fut un tournant majeur dans la constitution d'un véritable État moderne. Charles V laissa un pays presque unifié, un pouvoir consolidé et autonome par rapport à la noblesse.

L’apparition du canon rend obsolètes les anciennes forteresses et les châteaux deviennent des lieux de plaisances et de divertissement. On ne cherche plus à Etre, mais à Paraître. Le frère de Charles V avait montré l’exemple. Jean de Berry, écarté de la succession royale et peu porté sur la chose militaire se passionna pour les Arts et s’entoura d’un luxe ostentatoire au point de faire construire à l’ombre de son Palais de Bourges, une Sainte Chapelle. Bourges, centre du royaume à défaut d’être le centre du monde comme le laissait supposer le nom de la tribu gauloise qui y avait élu domicile, les Bituriges (Roi du Monde), c’est sous la protection des murailles gallo-romaines que fut préservée l’intégrité du pouvoir sous Charles VII.

A l’instar de Berry, les grands du Royaume devinrent friands de belles étoffes, et d’une riche argenterie que les bourgeois commerçants tels Jacques Cœur et les frères Lallemant, leurs procurèrent. L’enrichissement de ceux-ci fut immédiat, démesuré et inquiétant au point de mener ces trésoriers, tout droit à la case prison. Le soupçon de pratiquer l’art transmutatoire des Alchimistes fut émis. Le doute était permis car ces « hommes d’affaires » étaient receveurs ou responsables des finances royales.

Pour le cas de Jacques Cœur, l’hypothèse la plus probable fut qu’il profitait d’un taux de change de l’argent en or avantageux de l’ordre de 100 % en commerçant avec les Infidèles. Le moyen Orient regorgeait d’or et manquait terriblement d’argent.

Ils purent ainsi édifier des maisons ressemblant fort à de véritables Palais dont la décoration fut confiée à des artistes venant souvent d’Italie. Les mêmes que ceux qui travaillaient pour les grands Princes comme Berry.

Le nec plus ultra était de posséder une bibliothèque et parmi les ouvrages, un livre d’Heures. Les Lallemant s’en firent confectionner. Frédéric Sailland a recensé quinze manuscrits enluminés leurs appartenant, dont le Boèce, la Danse aux aveugles, les Heures d’Etienne Lallemant, les Heures de Jean Lallemant l’Aîné. Les commanditaires s’y faisaient représenter dans des scènes inspirant la Sagesse et le renoncement aux richesses du monde. La mode était en effet à l’imitation de la vie de Jésus Christ mise en avant par un certain Thomas a Kempis.

Les Arts évoluaient. En particulier l’Art pictural.

Jusqu’à présent, les peintres ne représentaient que des scènes religieuses ou mythologiques. Dorénavant, la nature morte devint à la mode. Une façon d’honorer Dieu par la beauté et la diversité de la Création. Les livres inspirés de l’Imitation de Jésus-Christ mettaient en scène un corpus angélique symbolisé par les putti et autres figures analogues, qui selon le contexte, étaient affublées d’ailes et portaient les divers instruments de la Passion ou tout aussi bien l’arc de Cupidon ou de l’amour sacré (Image et méditation PU de Rennes).

Il en est de même avec les objets de la Création, et en particulier avec les coquillages ou les coraux, présents alors dans les natures mortes. La variété des formes et des couleurs, les propriétés des coquillages, leur utilité pour les hommes renvoient bien sûr, pour qui sait les regarder des « yeux de l’âme », à la Providence divine et aux principaux attributs de l’être suprême : sagesse, bonté, perfection, grandeur, puissance et beauté.

En tant qu’être créés par Dieu les coquillages sont, à ce titre, les supports d’une des modalités usuelles de la méditation portant « sur les créatures », par opposition à la méditation sur les Écritures ou sur « les mœurs ». L’inouïe géométrie complexe des coquillages devient un témoignage de l’ordre divin dans le monde. La vue, sens jugé plus abstrait, permet d’approcher, par une vie contemplative, la divinité. Alors s’opère un basculement du monde extérieur (vain) vers le monde intérieur (divin). Dans cette opération, le livre spirituel joue un rôle essentiel. Le livre ouvert indique la direction à suivre et la procédure à accomplir pour réaliser effectivement la conversion. Se convertir, trouver Dieu au fond de soi, ce n’est en effet pas seulement rejeter le monde, se livrer à une pratique pénitentielle et ascétique, mais c’est méditer de façon systématique et réglée grâce aux moyens donnés par la littérature enluminée. Le méditant est le spectateur lui-même qui, successivement, jouit du monde, en reconnaît la vanité, initie un parcours spirituel qui s’appuie sur la littérature dévotionnelle et ses gravures où sont proposées à sa méditation les principales scènes de la Vie et Passion du Christ.

En ex-voto de leur belle réussite sociale, il était de bon ton de faire un pèlerinage. C’est ce que fit le grand maitre de la chevalerie de Notre Dame de la Table Ronde à laquelle adhéraient les frères Lallemant. En cas d’incapacité à pérégriner, on relayait ce vœu dans la décoration des demeures ou des manuscrits enluminés. Alors fleurirent bourdons et coquilles St Jacques comme par exemple sur une tour de l’hôtel de Cluny à Paris. Ces dernières n’évoquaient pas uniquement le pèlerinage de Galice. Le pecten pouvait symboliser un pèlerinage plus proche : vers le Mont St Michel et son archange.

Les Lallemant se sont servis de leurs manuscrits enluminés pour décorer leur demeure ou l’inverse. On retrouve certains caissons de l’oratoire reproduits à l’identique dans les livres comme la ruche ou le coquillage au scorpion.

La période Renaissance marque justement ce passage de témoins entre la sculpture décorative et l’enluminure des premiers manuscrits d’Heures, puis des premiers livres imprimés. Les images quittent alors la décoration architecturale pour les pages des manuscrits et des livres.

Mais pour l’heure, l’hôtel Lallemant nous offre un florilège de chimères, de scènes mythologiques, de culs de lampe historiés, de putti enseignants, tout un bestiaire qui prouvait l’érudition des commanditaires ainsi que leur profond dévouement à la cause sociale et leur grande piété.

Leur religiosité n’exclue pas un intérêt pour le noble Art, l’Alchimie. Les artistes étaient profondément pieux comme l’enseigne une de leur maxime « Ora lege lege relege labora et invenies ». Ils ont régulièrement voilé leur travail derrière des métaphores religieuses. Le travail de la pierre au creuset étant comparé au supplice du Christ sur la croix. L’Adepte jouant le rôle de démiurge. Cette astuce leurs permis d’éviter les pièges tendus par les extrémistes de tous poils les Rois, les Princes et bien sur les inquisiteurs.

Concernant les caissons de l’oratoire, de nombreux exégètes y ont vu des allégories des maux humains, vanités, remords, regrets. Mais que l’on m’explique quel défaut, à part peut-être l’impudicité, exprime l’angelote qui urine dans un sabot ? Et en quoi cette fantaisie pouvait-elle être reprochée aux frères Lallemant ?

Pilate, dans l’affaire, même s’il s’en lave les mains, est le véritable juge du procès puisque Jésus va subir un supplice romain et non pas juif. A ce titre il est le tentateur en personne. Combien de fois il demande à Jésus : « es-tu le Roi des juifs ». Il se comporte en diviseur, diabolos en grec. Et son trône est le fauteuil du diable ! Remarquez son pied droit qui dépasse de sa toge pour désigner un autre repli, obturé. Serait-ce le pas sage de la langue des oiseaux. Rappelons-nous de la forme du repli.

Quant au griffon d’or, il est tout autant le gardien des trésors de Salomon, que le symbole de sa valeur la plus sûre, le sang de sa lignée. Certains ont reconnus une tête de lièvre à cette bête fabuleuse, d’autres une tête de bélier. Normalement le griffon arbore une tête de lion. Le lièvre comme le bélier évoquent la scène de la Piéta de l’église de Rennes les bains (le Christ au lièvre), avec pour décor, comme l’a si brillamment prouvé Rudy, la fontaine des Amours.

Culmine en haut du tableau une tour à signaux, Blanchefort.

Daniel Dugès y situe le Golgotha. La présence des Rois Mages m’incite à y placer plutôt la maison du pain, Bethléem. Et s’il s’y trouve une grotte, ce ne peut-être que celle du dieu Tammuz, le dieu de l’abondance.

La station 1 décrit le paysage du Cercle.

Station 2 : Trois directions s’offrent au pèlerin entre un bouclier et un dôme qui mime le sein d’une femme d’après Paul Rouelle afin de jouer sur les termes seing, signal (géodésique). Le bouclier évoque la protection. Le Marquisat de Blanchefort protégeait ce secret. Quant au signal géodésique, il est porté par le Pech Cardou. Montagne Yin d’après mon épouse qui attribue la sensibilité Yang au Bugarach.

Un quart de tour à gauche au Cercle et Jésus emprunte ce beau petit chemin qui monte sud-ouest et qui sent si bon … l’arbousier, direction la plateforme de l’Illete, sentier en partie détruit par un glissement de terrain.

Venons-en au point essentiel de cette scène que l’on aurait pu nommer : le passage de témoin entre un maître et son apprenti. Au premier plan un jeune homme ramasse une baguette que le soldat, dans sa grande ignorance, avait foulé à ses pieds, écrasé sous son talon. Et quelle baguette ? Celle que tenait fermement Asmodée à l’entrée de l’église de Rennes le château, qu’il avait dérobé au Maître (à l’instar des ouvriers de Maître Hiram) puis qu’il a perdu, ce qui l’a épouvanté. Car il ne tenait pas une fourche ou tout autre instrument de torture dans sa main droite demeurée vide, non, il tenait la canne du bâtisseur, la pige en langage argotique. Celle qui donne la Mesure, donc la compréhension. Boudet nous dit que ce n’est pas l’aune de Paris. C’est celle du Sud, AEIOU, « austri est imperare orbi universo » ainsi que le chante la canso de lo boièr.

Donc ce jeune apprenti n’est pas un berger comme le veut la bible et Herman Treil. Pas ici en tout cas. Car notre jeune homme néglige l’or à sa portée, contrairement au berger Paris, pour lui préférer une simple baguette, témoin du passage de la connaissance du maître à son disciple. J’y vois la symbolique du tableau de Georges de la Tour. Et si …

Non, ce serait incroyable. Peut-être, « fortasse » en latin.

Et si ce jeune homme était justement apprenti charpentier ainsi que le veut la tradition car le charpentier précède toujours le maçon !

Serait-ce le fils du charpentier ???

Un chercheur y a vu un souci de colique néphrétique !

Le reproche qui est fait unanimement aux interprètes, y compris au personnage de Fulcanelli, est que personne jusqu’à présent n’a su proposer une lecture relationnelle des différentes scènes.

Certains analysent la composition ligne par ligne et c’est une possibilité mais point d’unité à la clé. D’autres (dont Philippe Audoin, Bourges cité première) lisent ce plafond, deux lignes à la fois et effectivement les angelots sont répartis suivant un V tandis que les autres figures épousent une répartition d’un V à l’envers, l’association des deux formant une étoile de David. Qu’en tirer ?

Un troisième a observé que la composition pouvait se lire à l’instar de certains vitraux par carré de 9 par association d’un X et d’un +. Malheureusement, une ligne reste à la traîne.

Je vais vous proposer mon interprétation, que je dédie à René Dregn …, un guide conférencier qui nous fit visiter la cathédrale au siècle dernier et à qui j’avais soumis l’idée. Malheureusement le manque de temps et de moyens m’empêcha de mener à terme l’analyse. J’exerce le métier de généraliste urgentiste avec une permanence de soins 24 / 24, 7 j / 7, ça laisse peu de temps libre !

Récemment, nous avons refait avec mon épouse, le pèlerinage de Bourges et j’ai ressorti mes notes de l’époque pour profiter d’une nouvelle visite de l’hôtel. Notre déception fut grande. Les musées étaient fermés, officiellement pour préparer le concours de ville capitale mondiale de la culture, prévu en 2028 !!!

Ma frustration fut telle que je repartis en quête d’images de l’hôtel. Je glanai le livre d’Audouin chez un bouquiniste (il n’est plus disponible), tentai d’obtenir le livre de Frédéric Sailland : L’hôtel renaissance des Lallemant dévoilé par leurs manuscrits enluminés. Également indisponible mais partiellement proposé sur certains sites. Je photographiai, au travers des grilles, les façades et repris mon étude qui a le mérite de proposer une lecture cohérente, étayée de correspondances possibles du travail au laboratoire.

L’entrée dans l’oratoire livre une pièce sobre, étroite partagée par deux piliers engagés. Ses dimensions : 2 m 60 sur 3 m 80 et 5 m 40 de hauteur.

Il faut chercher le carré long dans le sens de l’élévation !

Ses extrémités arborent en chapiteau la représentation des quatre évangélistes. A gauche en entrant, l’aigle de St Jean. A droite le taureau de St Luc. A gauche des vitraux l’enfant, St Mathieu. A droite, le lion de St Marc. A droite, encastrée dans le mur de la deuxième travée, la fameuse crédence au message RERE, RER.

Le vitrail central porte les armes de Jean Lallemant l’aîné : de gueule au chevron d’or entre trois roses d’argent centrées or.

Ma première impression fut marquée par le côté ludique de l’ensemble. Cette pièce aurait pu servir de salle de jeux à des enfants et tout de suite s’est imposé l’idée que la composition pouvait être analysée à l’aune des règles d’un jeu d’enfants. Un jeu de l’oie ? Non, il n’y a que trente cases. Ce qui me titillait c’était la disposition en trois rangées. Je voyais très bien des enfants lancer le palet et sauter à cloche pied sur ce plafond à condition de le reproduire au sol. Mais la marelle ne comporte pas tant d’étapes, encore que …

Pourquoi la marelle ? Parce qu’elle est évoquée par la coquille en case 2 près de l’entrée et que le pecten porte également le nom de « mérelle » qui prête à bien des jeux de mots, du genre mère d’elle …

La disposition la plus connue est la marelle de l’avion. On démarre sur la case Terre au bas pour gagner le ciel. Ce n’est pas le cas ici.

Alors j’ai trouvé une interprétation étonnante du jeu de la marelle. Il s’agit de la marelle de l’eau, qui se joue sur deux rangées de 5 cases séparées par un couloir central attribué à l’eau où le palet ne doit pas tomber. Le joueur qui joue cette zone ou y envoie son palet est éliminé. Les cases 3, 6 et 9 sont des stations de repos où le joueur peut poser les deux pieds. La partie se termine par une phase finale sans palet, qui consiste à parcourir la marelle à cloche-pied trois fois de suite sans se reposer.

Quid de la colonne EAU ? En l’occurrence, sur ce plafond, il s’agirait plutôt d’une colonne de feu ! Mais ce n’est pas antinomique. Car les philosophes « per ignem » parlent régulièrement de leur eau sèche qui ne mouille pas les mains. Une eau de feu, car caustique et apte à jouer aux catalyseurs chimiques. Alors je compris que la colonne centrale qu’il ne faut pas transgresser, était en fait consacrée au modus operandi, un programme spagirique à respecter à la lettre. Nous y reviendrons.

Maintenant vous allez me dire : mais chaque colonne compte le double de cases. C’est vrai et c’est là où le merveilleux apparaît ! Chaque case de la marelle de l’eau comprend en fait à deux caissons du plafond. Deux carrés identiques qui jumelés, vont constituer un carré long auquel on prête la vertu de fournir le nombre d’or ! (Voir la section 1, 2, 3, nous irons aux bois).

Ensuite la lecture doit commencer par le caisson le plus éloigné de la porte d’entrée car les derniers seront les premiers !

Commençons par le « modus operandi » enseigné par la colonne « EAU » de cette marelle, c'est-à-dire par la colonne du milieu. Les deux premiers caissons annonce le Principe : « fac fixum volatile et volatile fixum », Solve Coagula, en latin de cuisine.

La sphère armillaire échauffée est peut-être la preuve que la composition doit être interprétée selon les préceptes de l’Art Royal. Le phylactère souligne le fait qu’un message secret doit être découvert dans cette scène. En l’occurrence un des principes majeurs de l’Alchimie : « Volatiliser le fixe », Solve, dissoudre (l’Or au sein du Mercure animé), dissocier. Soit en latin : « Fac fixum volatile ». Ce n’est pas une simple sphère quadrillée de ses méridiens et parallèles. Une bande en écharpe croise judicieusement l’équateur de la sphère à l’instar de l’écliptique céleste et nous présente le moment de la conjonction : l’équinoxe. Cette époque qui permet d’entrevoir et d’agir sur le noyau de la sphère, grâce au feu capté à cette saison.

La sphère est équipée d’un anneau de suspension, signe que l’on nous montre le microcosme.

Tout est-il dit ? Non.

Le microcosme est à l’image du macrocosme comme l’indique Hermès Trismégiste : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas … ».

Quelle préscience avaient les Alchimistes du moyen Age pour savoir qu’un noyau ferreux flotte dans le magma au centre de la terre ? Ainsi, un des secrets de l’opératif est révélé et le pseudo Flamel a longtemps achoppé au laboratoire par l’ignorance de ce tour de main :

« Le ♂ est celui qui est revêtu de la plus grande noirceur (soufre) quand il est marié avec son mercure ♁ et malgré ce défaut, il cache en lui l’or philosophique d’où il faut tirer la semence aurifique de ce fumier. Flamel ne connaissait point ce médium ♂. Il croyait joindre l’⊙ avec le jeune ☿ par le seul moyen de l’♁ mais il connut son erreur quand il vit dans la première planche que saturne tenait une faux pour couper les jambes au jeune ☿.

Alors il se servit du médium ♂ qu’il joignit à ♁ et alors cette composition fut mêlée à l’⊙ qu’il pénétra et facile pour être en poudre et c’est à cette poudre qu’on extrait généralement le fumier (or) de la poudre d’iceux, voilà leur première maîtrise ».

Et Flamel d’insister : « Aviseras en abord prendre l'aîné du prime (pour faire le régule ♕) fils enfant de Saturne qui n’est mie le vulgal 9 parts ♁, du sabre calybé du dieu guerrier 4 parts ♂ (ce qui fait le poids intérieur, c’est comme 2 vs 4). Fais iceux rougir en un creuset, quand sera rougi fondant jette les 9 de Saturne que je t'ai dit, dedans, lors celui-ci soudain mangera l'autre ♂ : nettoie bellement des ordures fécales venant à mont de la Saturnie avec salpêtre et tartre à quatre ou cinq reprises que sera bon quand verras un signe astral ★ dessus le régule en mode d'étoile ».

Le sabre a également pour nom « Dragon Igné ». Il cache dans son ventre un « Acier magique » : le principe mâle, le Soufre. Tandis que l’antimoine est comparé à un « Aimant » qui attire ce Soufre, lui sert de mère porteuse pour l’apporter sur l’autel du mariage philosophique.

Basile Valentin, quant à lui, donne à l’antimoine le nom de Dragon, loup gris et au fer, le nom de sa planète et de son Dieu tutélaire : Mars.

Irénée Philalèthe évoque le régule par le terme « d’Arsenic », en référence au grec « arsenicon » désignant le mâle, en regard de la qualité femelle du Mercure.

L’orbe crucigère, symbole arboré par la royauté sous la forme d’un globe crucifère est le symbole de la minière.

L’étude de ce caisson est donc « cruciale » pour la compréhension de la suite !

Le caisson associé est le complémentaire du précédent. De nombreux interprètes se sont étonnés de l’apparence de ce putto. Il paraît massif et a un gros popotin. Rappelons que cul en écriture spéculaire (en miroir) donne Luc et donc évoque Lux, la lumière. En argot, le cul prend aussi le terme de Lune (Argent). La voie proposée consiste donc à faire la Pierre au Blanc.

L’angelot à bien du mal à maitriser le feu à l’aide de sa mérelle. Sur un phylactère occulte, on pourrait lire : «Fac volatile Fixum», Coagula. Cette action requiert en effet une grande maitrise de l’Art du feu.

La coquille évoque tout autant St Jacques et son pèlerinage au champ de l’étoile, « campo stella » qui règle le travail, que la divine Vénus. La mythologie avance que Vénus est née du sang d'Ouranos blessé par son fils Cronos. Elle est mariée de force à Vulcain (dieu forgeron, Héphaïstos) mais elle le trompe avec son frère, Mars, (dieu de la guerre). Vulcain ayant été averti par Hélios, les enferma dans un filet magique indestructible qu’il était le seul à commander. Vulcain accepte de les libérer à la demande de Neptune et Vénus s’enfuit à Chypre (Kupros en grec, le cuivre).

Cette légende est instructive. Le filet qui pêchera le Rebis (Rere) doit contenir du Fer et du Cuivre et les travaux préparatoires devront aboutir à la fabrication d’un régule martial vénusien d’antimoine lunaire.

Une tour qui abrite un escalier de l’hôtel renaissance de Cluny à Paris, qui ressemble fort à la tour de l’hôtel Jacques Cœur à Bourges, arbore une flopée de coquilles et bourdons de pèlerins de St Jacques, accompagnés de phylactères aux messages suivants :

  • « Servire Deo regnare est » : servir Dieu, c’est régner.

  • «  Initium sapientae timor Dei et servas mandata tua », le commencement de la sagesse est la crainte de Dieu et tu gardes ses commandements.

Les thèmes de Thomas a Kempi incitant à l’imitation de Jésus Christ sont nettement évoqués :

  • « mieux vaut souffrir avec JC que sans lui »

  • « celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres », nous verrons à quel caisson attribuer cette maxime.

L'Imitation est une œuvre d'anthropologie théologique, dont le propos est exclusivement parénétique. Il s'agit de persuader les religieux d'une communauté, de choisir l'intimité avec le Christ plutôt que la fréquentation du monde, et ce sur la base de l'axiome suivant : la souffrance est inévitable dans la vie profane. Pour interpeller son lecteur, le faire réfléchir (au sens de « revenir à soi-même ») et lui permettre de mémoriser la leçon, l'auteur fait appel à toutes les ressources du latin médiéval, tant au niveau rhétorique (dialogues entre Jésus et le Fidèle au Livre III) que poétique (multiplication des sentences rythmées et/ou rimées). (Source wiki).

L’Adepte se retire du monde pour œuvrer autant sur la matière que sur lui-même. C’est du reste le but ultime de l’Alchimie : approcher la sainteté et la pureté.

Passons au couple suivant.

Les choses se précisent.

Au caisson du haut, nous devinons aisément une corne d’abondance que picore un volatile. Les avis divergent quant à son nom. Certains y voient un phénix. Fulcanelli décrit une perdrix ou une poule : « ici, c’est la corne d’Amalthée, toute débordante de fleurs et de fruits, qui sert de perchoir à la géline ou perdrix, — l’oiseau en question étant peu caractérisé ; mais, que l’emblème soit la poule noire ou la perdrix rouge, cela ne change rien à la signification hermétique qu’il exprime ».

Voyons l’étymologie de la géline. C’est un mot de vieux français désignant la poule. Ce mot renvoie à la « gélinotte », jeune poule engraissée, délicate au gout et on appelle, Gelinotte de bois, une espèce de poule sauvage qui a beaucoup de ressemblance avec la perdrix.

La poule domestique, « gallus gallus domesticus» a pour mission d’évoquer la noix de galle. Il s'agit d'une des allégories les plus subtiles du symbolisme alchimique : « c'est en quelque sorte la « rouille » du chêne, assimilable à un métal brûlé ; c'est donc un oxyde ».

La galle du chêne est une petite excroissance qui peut apparaître à différents endroits de l'arbre : sur les feuilles, les bourgeons, les fruits ou les racines. Ces excroissances ont été confondues avec une autre affection de certains chênes, le kermès, petit insecte hémiptère dont les femelles ont une forme particulièrement globuleuse qui peut induire une confusion avec ces galles de Cynipidae.

Le chêne et la noix de galle représentent le Compost tel qu'il doit être préparé dans le 3ème œuvre. Mais avant de parvenir à la troisième étape de l’œuvre, il convient de faire voler les colombes de Diane au deuxième œuvre moyennant l’enchainement des séquences amalgames (cohobation, liaison du régule martial vénusien lunaire ou solaire avec le jeune mercure) à l’onctuosité du beurre / laveures (jusqu’à propreté de la solution, de façon à évacuer la matrice antimoniale) / cuissons. Un travail titanesque comparé aux travaux d’Hercule. Philalèthe a prévu une pénultième laveure à l’ammoniaque ou sel d’urine …

La matière est ensuite mise en billes, séchées et sublimées.

Ce travail colossal compte pour un vol, de colombes ou d’Aigles (voie sèche). La pratique requiert sept à dix aigles. Le nombre de grains du chapelet en aval des mains du putto. Les trois restants comptent pour la multiplication.

Avant de décrocher le pompon !

Lorsque le dragon est terrassé (serpent qui se suicide de son propre venin), le livre est ouvert. Vieil adage alchimique. L’enfant en lévitation, est couronné, fait Roi. C’est un petit roi ou un Dauphin. Donc un RERE, Re bis ou rémora dans la terminologie spagirique. Du reste, il porte l’insigne de l’hexagramme sur sa couronne, signe de l’union des deux principes, eau et feu, Soufre et Mercure, fixe et volatil.

Au-dessus, le Soufre, le lion (blanc ou rouge en fonction du ferment) s’est sublimé. Le lion est le hiéroglyphe du soufre, principe de la fixité et de la coagulation (Fulcanelli).

Le lien est temporairement rompu avec le reste de la matière mise en maturation. Il sera cueilli à la plume ou à la pointe de couteau, telle la fine pointe de l’esprit et remisé.

« Il demeure à l'issue de ce voyage d'un côté le Mercure, animé désormais d'une Aigle et de l'autre la Lune, cet Argent ayant auparavant servi de médiateur entre le Régule martial, pourvoyeur de soufre rouge, et le Mercure vulgaire qui devait être animé, ressuscité, par ce même soufre rouge contenant le précieux germe solaire, vital. Le grand secret de Labora, pour cette voie, réside en fait dans cette Lune, cet Argent résiduel, ces Colombes de Diane qui ont gardé l’aspect antérieur de petites sphères, de pilules, qui a été conféré à l'amalgame ainsi fragmenté, dissocié en vue de sa distillation, imparfaite sous une autre forme ».

Frédéric Sailland voit dans le monogramme 3R, le chiffre de Jean Lallemant l’aîné : « ces lettres sont énigmatiques car elles ne correspondent pas aux initiales de Jean lallemant, pourtant, on les retrouve aussi sur le plafond à caissons ».

Elles surmontent une « grenade enflammée » semblable à celle qui surmonte Pâris dans la cour haute, mais certains interprètes ont vu en elle une hostie sortant d’un ciboire. Les flammes pourraient symboliser alors l’élan spirituel.

La grenade est un symbole de résurrection et d’union avec le divin. Pour les francs-maçons, elle incarne l’assemblée des frères au sein de la loge.

Jean l’aîné faisait-il référence avec le chiffre 3R, aux trois roses de son blason ?

Et bien je pense que oui et ce caisson en est la preuve.

3R pour les roses, l’hostie virginale pour le chevron « directionnel » du salut et les flammes pour symboliser le fond de gueule.

La décoration du pied du ciboire rappelle étrangement la poignée de plumes présentées dans le poing du caisson treize…

Ces plumes qui cueillent l’Or philosophique, la Pierre. Le rituel liturgique de la transsubstantiation ne propose pas autre chose que de présenter l’hostie comme le corps de la pierre vivante qu’est le Christ. (Pierre 2 v 4 – 10)

Il s’ensuit l’aptitude de multiplier les bienfaits à la manière de l’angelot du caisson sous-jacent, l’ange « vanneur » d’après Fulcanelli. Sépare-t-il le bon grain de l’ivraie ou isole-t-il la moisson de sa pêche ?

En Alchimie, la corbeille comme la coquille symbolisent le Mercure Philosophique au moment de l’apparition de l’étoile.

Sa corbeille répand allègrement façon copier-coller, les petits pêchés dans la mer philosophique à l’image de l’adulte sur lequel il est installé.

Deux rangées pentagonales de sépales décalées de 36 ° constituent un décagone. Car il s’agit bien de sépales et non des pétales. Les pétales sont répartis sur trois rangées. Ainsi sont représentés les deuxièmes et troisièmes œuvres. Dix vols de colombes et trois multiplications. Cette fleur symbolise la « Rosa mystica », Pierre royale propre à multiplier.

L’accession à cette maîtrise n’est permise que par le don de l’Esprit sain arboré en dessous. Rappelons que jamais une colombe ne fait de vol stationnaire. L’oiseau qui pratique de la sorte en chassant est le faucon crécerelle. Un animal que nous retrouverons plus loin.

L’oiseau de cet emblème volette au milieu d’un rayonnement censé incarner l’implication du Divin tant espérée par l’Artiste. Cette intercession, l’Adepte l’obtient par une pratique assidue dans son Oratoire. Mais aussi par le respect des rythmes planétaires. Il apprend à domestiquer ce « Feu secret » ou sacré que l’on peut prosaïquement rapprocher de la radiesthésie et qui lui permet tant par la conviction que par l’intuition unie à une intention sincère, ici et maintenant, d’influer sur son travail.

Nous avons apprécié la richesse des caissons de cette colonne consacrée à l’eau de feu, voyons maintenant les cases d’évolution de notre marelle de l’eau.

Nous entrons au laboratoire.

Ces deux caissons évoquent l’élément sans lequel rien n’arrive : le Sel, le moyen terme, la partie centrale, le liant mais aussi le valet, le catalyseur, mais encore le support et pour finir le corps de la Pierre. L’angelot sonneur de cor annonce le réveil de la nature.

« Au septième tour de la ville, Josué fit s’écrouler les murs de Jéricho au son des sept trompes en corme de bélier… L’argent, l’or, les objets de bronze et de fer, tout sera consacré au Seigneur et entrera dans le trésor du Seigneur ». (Josué 6, 1-2 ; 12-20)

Le symbole de cet agent si puissant est accroché aux piliers engagés ainsi qu’au frontispice du Mutus Liber. Il s’agit du cercle barré verticalement qui représente le Nitre et son isomère céleste (Eugène Canseliet). Et effectivement, l’adjonction de salpêtre à la matière en fusion, lors des travaux préparatoires de fabrication du régule martial et de sa purgation, produit un crépitement caractéristique et dangereux pour qui serait atteint par des projections.

La gerbe n’est en rien une couronne mortuaire, encore qu’il faille mourir pour renaître. Sa couleur est donnée par le vitrail. Une belle couleur verte, symbole du principe de Vie. Cette vitalité qui fait exploser la végétation au printemps.

Le caisson sous-jacent pourrait arborer la maxime latine : « Deus est fons aquae », pour faire référence à la manne providentielle tombée du ciel.

« Gédéon dit à Dieu: Si Tu veux délivrer Israël par ma main, comme Tu l'as dit, voici, je vais mettre une toison de laine dans l'aire; si la toison seule se couvre de rosée et que tout le terrain reste sec, je connaîtrai que Tu délivreras Israël par ma main, comme Tu l'as dit. » - Juges 6:36-37. Puis : « Et il arriva ainsi. Le jour suivant, il se leva de bon matin, pressa la toison, et en fit sortir la rosée, qui donna de l'eau plein une coupe ». v 38

Le flos cæli est appelé, en effet, l’eau des deux équinoxes, d’où l’on a déduit qu’il s’obtient au printemps et à l’automne et est un mélange de deux fluides, la rosée accompagnée d’énergie astrale que les orientaux appellent le khi et les astrophysiciens, l’énergie électro-magnétique qui bombarde la Terre (rayonnement cosmique). (Le Mutus Liber par Magophon). Mais en guise d’équinoxe d’automne, il faut préférer les pluies orageuses de l’Assomption, à la mi-août...

Fulcanelli a vu une gerbe de souffrance (couronne mortuaire) dans l’attribut porté par cet angelot, à l’image de celles figurants sur les pilastres et qui symbolisaient le Nitre. Mais pourquoi porterait-elle un grelot à un bout et un pompon à l’autre. Et que signifierait le Nitre ouvert ? Ou alors, l’angelot a vaincu la mort et il s’en va tel le fou du tarot en claironnant son exploit au son du grelot.

Un fou promène justement cet objet sur l’un des culs-de lampe de la cage d’escalier :

Plus prosaïques, certains y ont vu un putto souffrant de la pierre (colique néphrétique). Il me paraît bien joyeux pour un malade de cette maladie que j’ai subi et qui n’a rien d’agréable. Admettons quand même, mais force est de constaté que le haut du corps de ce putto n’exprime pas la souffrance. Si le bas (le corps matériel) subit, le haut (l’esprit) est serein.

D’autres ont imaginé une gerbe fructifère comparable à une corne d’abondance. C’est mieux.

Personnellement, l’attribut me fait penser à une nasse de pêche. La partie portée sur l’épaule gauche me paraît pleine, preuve que le filet a été efficace.

« Ainsi les philosophes ont une mer à eux dans laquelle viennent à naître de petits poissons gras ou d'autres mouvants dans leurs écailles argentées ; celui qui apprend à les envelopper dans un filet finement noué et à les extraire mérite d'être considéré comme un pêcheur d'une grande habileté. » (Arcanum Hermeticx Philosophix Opus, Jean d'Espagnes). Ce qu'illustre dans le premier emblème de son traité « De Lapide Philosophie », Libellus Lambsprink donnant volontiers dans son commentaire le sens philosophique, mais laissant à la diligence du lecteur l'identification physique des deux poissons, des matières métalliques martiale et vénusienne générant d'elles-mêmes, « sponte sua », le filet permettant aux pêcheurs de les fixer. » Lobanov, le laboratoire.

Le caisson en dessous arbore un pot à miel crevé par son contenu.

Ces beaux pots en grès gris-bleu trônaient sur les étagères de tous les foyers. Coiffés de leur toile, ils permettaient de conserver efficacement nombres de denrées alimentaires. Celui-ci peut incarner la métaphore de l’aspect doux-amer de la Vie et on retrouve cette image dans les manuscrits enluminés des frères Lallemant. La douceur de vivre est toujours accompagnée d’épreuves et de souffrances. Une vision pessimiste mais réaliste des choses. Je l’ai vécu à mes dépens. Chaque épreuve est une application du fer rouge mais certaines en plus vous arrachent une partie du cœur en se retirant. A 22 ans, j’ai enterré mon frère cadet de 20 ans et à 44, une de nos filles. Fichue cyclicité.

En l’occurrence, le pot libère des macles, du latin macula qui signifie tache et maille. On retrouve l’analogie du filet de pêche.

Quel esprit clairvoyant, à l’instar de celui du philosophe grec Leuccipe de Milet (né vers -500 avant J-C) à qui l’on doit la notion d'atome, a fait épouser à ces figures l’image de chausse-trapes ? La référence s’impose. Mais en plus, cette représentation correspond exactement à la géométrie spatiale de l’ion ammonium NH4+ !

Simple coïncidence ?

Je ne le pense pas. Dès que l’on approche de l’Unité, la cohérence des symboles devient universelle.

Notre pot devient le réceptacle de ce sel à géométrie particulière, appelé sel harmoniac ou sel d’Amon, aux effets décrits ci-dessus. Une eau sèche qui ne mouille pas les mains mais aux effets caustiques et catalyseurs très puissant, surtout lorsqu’il a été fabriqué de façon canonique. Ce sel est récupéré dans le sabot de l’angelot du caisson douze et que la cabale phonétique fait évoluer selon Fulcanelli et Canseliet, en « chabeau » dialectal, puis « chat beau » et enfin « Ka(t) beau » soit une subtile référence au corps d’immortalité égyptien. (Lobanov)

On a prêté à ce putto la mauvaise action de vouloir casser sur son genou gauche, son rosaire, alors que je le trouve plutôt en lévitation, occupé à égrainé son chapelet. Ce qui lui donne peut-être une attitude équivoque. On retrouve le pompon qui figurait à l’extrémité du filet au caisson dix, cette fois en bout du rosaire. L’autre extrémité arbore une croix. Il est temps d’évoquer l’ordre des chevaliers de Notre Dame de la Table ronde, auquel adhéraient les frères Lallemant et quelques bourgeois de la ville.

Ecoutons Frédéric Sailland : « Jean l’aîné fonde en 1486, avec un marchand lyonnais, Jean de Cucharmois et cinq autres jeunes Berruyers, l’ordre de la table ronde de Bourges. Le but de cette confrérie est de faire perdurer les foires de la ville ». Ce cercle sera constitué de 14 membres avec pour chef, un roi, puis il sera agrandi à 24. Il est réservé aux bourgeois de la ville qui s’y entraident et se soutiennent. Il s’agit d’une chevalerie roturière qui perdure jusqu’en 1533. Chaque membre a ses propres armoiries composées d'un blason et entourée d'une chaîne constituée de « cinq dizaines de dix grains noirs enfilez de lacs de soie verte »; cinq gros grains d'or séparent les dizaines. La chaîne se termine par un pendentif représentant la Vierge et l'Enfant. Les membres avaient obligation d’assister à l’office dominical de huit heures et de réciter leur rosaire constitué de cinq dizaines dont les Pater étaient d'or et les Ave de corail, enfilés en lacs de soie verte.

Voilà pour l’origine de ce chapelet.

L’angelot compte les envols des colombes qui aboutiront à la confection du Mercure Philosophique.

Le caisson du dessous arbore un phylactère qui décrit l’initiale du mot Sublimation. Rappelons qu’en Alchimie, comme en chimie, la sublimation d'un corps consiste au passage de l'état solide à l'état gazeux sans étape par l'état liquide.

Ecoutons Lobanov : « A l’issue des laveures, l'amalgame précédemment obtenu qui avait pris la forme d'un beurre mercuriel a été très longuement lavé, débarrassé du Régule martial qui n'est plus alors qu'un corps sans vie, ayant livré son âme, son soufre rouge issu du Fer, au Mercure qui s'est éveillé en conséquence secrètement d'un degré. Il ne restait donc plus à l'issue de ces laveures visant à éliminer le Régule martial par l'eau qu'un amalgame uniquement composé d'Argent et de Mercure qui a pu être lavé cette fois par le feu, distillé c'est le Vol de l'Aigle.

En Alchimie, la sublimation en question exige une température bien inférieure à la température de fusion des travaux préparatoires. Ici, elle plafonne à 450 ° C, se pratique en vase clos avec évacuation de la pression via un ballon de sécurité. Un voile gris envahi le vase, tandis que de lourdes gouttelettes montent vers les cieux puis retombent pour former une nappe liquide : le Mercure animé. Si le Mercure récupéré à l'issue de l'Aigle est intérieurement très pur, une crasse impure peut encore adhérer à sa surface, c'est pourquoi les auteurs classiques comme Philalèthe prévoient une lotion particulière à ce moment, notamment avec de l'ammoniaque ou du Sel Harmoniac.

Il demeure à l'issue de ce voyage d'un côté le Mercure animé désormais d’une Aigle et de l'autre la Lune, cet Argent ayant auparavant servi de médiateur entre le Régule martial, pourvoyeur de soufre rouge, et le Mercure vulgaire qui devait être animé, ressuscité, par ce même soufre rouge contenant le précieux germe solaire, vital. Le grand secret de Labora, pour cette voie, réside en fait dans cette Lune, cet Argent résiduel, ces Colombes de Diane qui ont gardé l'aspect antérieur de petites sphères, de pilules, qui a été conféré à l'amalgame ainsi fragmenté, dissocié en vue de sa distillation, imparfaite sous une autre forme ».

Le mercure, sublimé, manifeste sa partie fixe, et cette base sulfureuse marque le premier stade de la coagulation. L’intermédiaire est abandonné ou disparaît : il n’en sera plus question désormais. Les trois se trouvent réduits à deux, — soufre et mercure, — lesquels réalisent ce qu’on est convenu d’appeler l’amalgame philosophique, simple combinaison chimique non encore radicale. C’est ici qu’interviendra la coction, opération chargée d’assurer au compost, nouvellement formé, l’union indissoluble et irréductible de ses éléments, et leur transformation complète en soufre rouge fixe, médecine du premier ordre selon Geber.

Il faut continuer les laveures. Travail de femmes ? De forçat plutôt.

« L'aspect de ces Colombes au sortir des Aigles peut être bouleversé, bouleversant, si les laveures ont été réellement menées jusqu'à leur terme, et surtout au-delà : l'être lunaire est devenu solaire, la Colombe l'Aigle lui-même, et l'Argent de l'Or, notre Or.

Car il faut continuer ce travail des laveures encore et encore.

Les Colombes reflètent toute cette évolution alchimique au niveau métallique qui est le leur : ainsi, rendues infiniment pures par ces laveures vraiment parfaites, trop parfaites sans doute, elles seront de nouveau noires, mais d'un Noir inattendu et philosophal, alchimique, radical et central, très différent de celui que l'on peut qualifier de périphérique, vulgaire, et provenant des simples traces du Régule, laissées par des laveures incomplètes c'est-à-dire simplement ordinaires, communes.

Les Colombes non seulement deviennent noires, mais elles germent, laissant pousser toute une végétation métallique, à très petite échelle. Cette végétation métallique poussant sur le microcosme sphérique des Colombes, peut prendre l'aspect de branches voire de petits Arbres philosophiques, ou même de corail porteur de ce fameux Soufre Rouge qui n'est autre que le ferment de la Pierre pour ce règne, autrement dit la tant désirée Poudre Philosophale.

D’après Philippe Auduin, le phylactère arbore le message : « todas mes penas no pare cem », toutes mais peines ne paraissent pas.

Et comment !

A l’époque la cohobation se faisait à la force du poignet, au pilon et mortier. « Penas » renvoie automatiquement à peine mais aussi à penne, la plume de contour avec laquelle on cueille le précieux Soufre.

Cette troisième case de la marelle de l’eau autorise le repos. Effectivement, la possession de la maitrise du feu, la confection du Mercure animé et de la chaux d’or, constituent un sérieux aboutissement.

Le panache de plumes dans le poing du besogneux opérateur, incarne la collecte ardue du précieux soufre.

« L'or sophique ou or martial existant dans le régule martial d'antimoine étoilé possédant une nature volatile et joint au pouvoir teingeant (mercuriel) contenu dans l'antimoine permet d'extraire un corps à partir de la lune, et enrichit la lune avec des particules d'or corporel, en précipitant par l’eau forte (sel et vinaigre), sous la forme d'une chaux noire. Cette poudre noire est l'or le plus pur ; que dis-je : un or séminal diffus et ouvert ! ».

« Quand la colombe s'échappe, sa besogne terminée, elle abandonne à la terre quelques-unes de ses plumes, en souvenir de son passage. Ces plumes, de plus en plus nombreuses, au fur et à mesure que les allées et venues se succèdent, forment la couche nuptiale du Roi et de la Reine du Grand Œuvre, ou si le néophyte le préfère, le nid du poulet d'Hermogène, d'où renaîtra le Phénix éternel. Réellement, la colombe ou plutôt, l'esprit se démène avec la plus grande activité et pour lui-même et pour les autres. » (L'Alchimie expliquée sur ses textes classiques, Eugène Canseliet, éditions Pauvert)

« Ludus puerorum », jeux d’enfants. Le tourniquet à noix teste le principe d’inertie ou d’entretien du mouvement. Le putto fait tourner son petit monde, comme l’Alchimiste poursuit ses travaux à l’identique.

La noix se dit « nux » en latin. Elle évoque « Lux », la lumière.

La croix comme volant d’inertie signifie que le creuset fonctionne comme précédemment. Il s’agit du vol des Aigles. « Quand la Lune brillera en son plein, donne des ailes à ton Aigle, qui s’envolera, laissant derrière elle des colombes de Diane qui, si elles ne sont pas mortes à la première rencontre, ne peuvent servir à rien. Réitère sept fois cette opération et enfin tu trouveras le repos, n’ayant simplement qu’à cuire ; c’est la plus parfaite tranquillité, un jeu d’enfant et un travail de femmes ». Eyrénée Philalèthe.

Le caisson suivant a fait couler beaucoup d’encre.

E comme étoile ?

Frédéric Sailland y a vu une représentation des souffrances subies par Etienne (II) Lallemant. Son initiale sur le grill en serait la preuve. Sauf que ce plafond a vraisemblablement été commandité à la génération antérieure par Jean l’aîné. En fait E est le symbole spagiriques des cendres, surtout lorsque la barre du milieu déborde « la verticale ». Certes, les déboires amoureux d’Etienne II y trouvent leur compte mais ce n’est qu’une coïncidence opportune. Et le phylactère aurait pu porter la sentence : « souffrir te vaille ».

Ici, nous abordons un point de Science important, crypté sous la symbolique des cendres, du fumier, des « superfluités.

Les Adeptes annoncent que rien ne doit être retranché de la pierre et que la couronne du Roi gît précisément dans ces cendres.

Le cosmopolite affirme : « Le sage trouvera notre pierre jusque dans le fumier, tandis que l’ignorant ne pourra pas croire qu’elle soit dans l’or ».

Pour comprendre la référence au fumier, il faut se rapporter à son nom grec : « Kopros », très proche de « Kypros » qui désigne l’île de Chypre et également le cuivre.

Et Eugène Canseliet de renchérir : « Tel est bien notre fumier, eût approuvé le Maître, notre fumier que les Philosophes désignèrent par les expressions de soufre noir, soufre de nature, prison de l’or, tombeau du Roi, ou par les noms de laton, laiton, corbeau, Saturne, Vénus, cuivre, airain, etc., et auquel ils attribuèrent les vertus les plus grandes et les plus rares… Mais notre or ne peut être acheté à prix d’argent, voudrais-tu offrir, en échange, une couronne ou un royaume ; en vérité, c’est un Don de Dieu. En effet, nous ne devons pas avoir dans les mains notre Or parfait, - du moins de manière vulgaire, - parce qu’il est besoin de notre art, afin qu’il soit notre Or ».

Parvenu à cette phase, l’Œuvre prend, à la superficie, l’aspect d’un « brouet gras et saupoudré de poivre », — brodium saginatum piperatum, disent les textes. Dès lors, le mercure se noircit chaque jour davantage et sa consistance devient sirupeuse puis pâteuse. Lorsque le noir atteint son maximum d’intensité, la putréfaction des éléments est accomplie et leur union réalisée ; tout apparaît ferme dans le vase jusqu’à ce que la masse solide se craquelle, se gerce, s’effrite et tombe finalement en poudre amorphe, noire comme du charbon. « Tu verras alors, écrit Philalèthe, une couleur noire remarquable, et toute la terre sera desséchée. La mort du composé est arrivée. Les vents cessent et toutes choses entrent dans le repos. C’est la grande éclipse du soleil et de la lune ; aucun luminaire ne luit plus sur la terre, et la mer disparaît. »

« Naît alors, paradoxalement, le Noir, au-delà du Blanc raisonnable, et plus près du Rouge, de la Source de Vie elle-même. D’un Noir inattendu et philosophal, alchimique, radical et central, très différent de celui que l'on peut qualifier de périphérique, vulgaire. Nos Colombes, devenues Corbeaux, sont mises en réserve pour la grande Conjonction à venir. De retour en Labora, cette Lune, cet Argent s'incarnera en un futur Régule Martial lunaire et de futures Aigles. On remarquera alors que l'amalgamation devient de plus en plus difficile à prendre à mesure que le nombre d'Aigles augmente.

Les Colombes non seulement deviennent noires, mais elles germent, laissant pousser toute une végétation métallique, à très petite échelle, poussant sur le microcosme sphérique des Colombes. Alors elles seront prêtes à livrer en retour le « plomb rouge des philosophes », en une très modeste quantité, ce que suggère l'usage conseillé d'une pointe de couteau, telle la fine Pointe de l'esprit permettant la récolte des fruits philosophiques sur l'arbre idoine.

« Vous devez maintenant le porter au rouge sous un petit moufle bien propre, à feu doux et modéré, et rapidement vous obtiendrez une chaux d'or extrêmement subtile d'un beau rouge, extrêmement tendre et délicat ».

Vertu de cette chaux d'or : cette dernière s'unit rapidement au mercure animé ou sophique. Et par une digestion extrêmement douce au feu de lampe, le mercure sophique pénètre cet or ouvert per minima, centralement et radicalement, si bien qu'en digérant seulement, on peut préparer la pierre en très peu de mois. »

C’est au sortie des Aigles ou Sublimation que naîtra le Lion Rouge.

Le E couché prend alors l’allure d’une couronne.

La digestion de cette poudre rouge doit être poursuivie, en augmentant maintenant votre chaleur un petit peu. Elle doit être fixée progressivement ce qui demande trois mois et de l'habileté et de la patience de la part de l'opérateur. Cette poudre fixe et fusible, ou Précipité (doré sophique), est appelée Or des Philosophes parce qu'elle se prépare philosophiquement, au moyen de la seule digestion.

À l'aide et grâce à cette digestion, quand elle est terminée, vous avez maintenant accompli la véritable Calcination radicale et centrale de l'or. Et vous êtes maintenant en possession de la véritable chaux ou Cendres des Philosophes dans lesquelles gît caché le diadème royal. Cette chaux, ou poudre rouge fixée, est l'Or des Philosophes ou matière prochaine de la Pierre. [...]. »

L’angelot présente le livre ouvert. Mais c’est un livre muet, le Mutus Liber.

Ora lege lege relege labora et invenies.

Qui dit livre, dit feuillets.

Fulcanelli : « Il n’est pas jusqu’à la pâte de la galette qui n’obéisse aux lois de la symbolique traditionnelle. Cette pâte est feuilletée, et notre petit baigneur y est inclus à la façon d’un signet de livre. Il y a là une intéressante confirmation de la matière représentée par le gâteau des Rois.

Sendivogius nous apprend que le mercure préparé offre l’aspect et la forme d’une masse pierreuse, friable et feuilletée. « Si vous l’observez bien, dit-il, vous remarquerez qu’elle est toute feuilletée. » Les lames cristallines qui en composent la substance se trouvent, en effet, superposées comme les feuillets d’un livre ; pour cette raison, elle a reçu l’épithète de terre feuillée, terre des feuilles, livre aux feuillets, etc. Aussi, voyons-nous la première matière de l’Œuvre exprimée symboliquement par un livre tantôt ouvert, tantôt fermé, selon qu’elle a été travaillée ou seulement extraite de la mine. Parfois, ce livre est figuré fermé, — ce qui indique la substance minérale brute, — il n’est pas rare de le voir scellé par sept bandes ; ce sont les marques des sept opérations successives qui permettent de l’ouvrir, chacune d’elles brisant un des sceaux de fermeture. Tel est le Grand Livre de la Nature, qui renferme en ses pages la révélation des sciences profanes et celle des mystères sacrés. Il est de style simple, de lecture aisée, à condition, toutefois, qu’on sache où le trouver, — ce qui est fort difficile, — et qu’on puisse surtout l’ouvrir, — ce qui est plus laborieux encore ».

Ne nous trompons pas, ce que décrit ici Fulcanelli est la structure interne du minuscule bouton de retour.

Un livre, léché de douze flammes, qui pourrait arborer la devise de Jean l’aîné : « Delear prius », que je périsse plutôt. Sentiment très altruiste ou très lâche …

Alchimiquement, la formule serait plutôt : détruit par le feu pour renaître par le feu.

Le nombre douze désigne l’année philosophique, à rapprocher du décompte du Temps. Le Bréviaire de Flamel en donne la notion : décrypté par le chevalier Denis Molinier de l’ordre de Christ,

Solis sacerdotibus !

L’angelot danse la gigue. Son rosaire arbore à droite un corail rouge, « corallium rubrum ». Il a réussi à ordonner les grains de son rosaire : 1, 2, 3, 4, 5.

Dessous, une figure qui rappelle le frontispice du Mystère des cathédrales de Fulcanelli, décoré par Jean Julien Champagne. Sur ce dernier la maxime : « Omnia ab uno et in uno omnia », tout d’un et tout en un, qui pourrait très bien aller ici.

Cet oiseau est un faucon pèlerin, habillé de grelots (domestiqué) comme tous les oiseaux de chasse en vol. Le crâne incarne tout autant le caput mortuum si utile, que le squelette de la Pierre, le vase, tout à la fois contenant et contenu.

« Je me nourris d’Esprit ».

Eugene Canseliet, l'alchimie expliquée sur ses textes classiques : « il faut comprendre que la cendre n’est, ici, aucunement le résidu privé de vie qui est issu de l’incinération vulgaire. Préalablement soumis à l’action délitescente des rayons lunaires, le caput mortuum devient, au feu, une cendre ou plutôt un terreau pulvérulent et parfumé, à la fois vivant et fécond, qui est prêt, maintenant, à livrer son soufre au mercure ». Le procédé de coupellation servant au deuxième œuvre de la voie sèche est très bien exposé aux pages 237-241 de l’édition Pauvert.

Cette description détaillée vient expliquer le mystérieux message RERE RER de la crédence.

RERE comme nous l’avons dit désigne le Rebis, l’Etre hermaphrodite, mâle et femelle, Soufre et Mercure, Mercure animé, au sortir du deuxième œuvre.

RER décrit justement ce tour de main, le Truc de Fulcanelli, Trinck de Rabelais. Fabriquer une brasque avec la terre adamique provenant du travail sur le caput mortuum puis imbiber cette Terre du Mercure, sans l’inonder (poids de nature) et enfin, luter le tout de la vitreuse provision émeraude recueillie lors des dernières purgations du régule par le nitre. Se produit alors une attirance pour ce sel de même nature et origine, dans le bain de Mercure. Le Soufre rencontre alors sa partenaire.

« Phoenix oritur ex cinere » ?

L’idée n’est pas déplaisante. Rappelons que l’oiseau qui a inspiré cet animal fabuleux aux égyptiens est l’ibis rouge du Nil qui avait selon eux, l’habitude de voler vers le couchant le soir et de revenir au matin de l’orient, avec le soleil.

En avant la cavale. Ou la cabale ?

Hâtons-nous lentement, vieille devise alchimique, qui sous-entend de maintenir l’effort sans brusquer les choses.

Il est question de remonter l’arbre des Séphiroth comme expliqué au chapitre 10, 11, 12, elles seront … ou de parcourir les arcanes du Tarot.

Ces deux caissons sont intimement liés. Nous connaissons la teneur du message porté par le phylactère d’après les manuscrits enluminés.

« Tu feris das salus ». Le message complet : toi tu frappes, tu donnes le salut.

L’angelot est effectivement armé d’un martinet et il rudoie son destrier ! Car il faut savoir diriger son feu.

Le caisson du bas est semé des E de cendres. Le message n’est pas le même qu’au caisson 21. La coquille renferme un animal hybride entre le scorpion et le scarabée. Ce dernier accompagnait les momies égyptiennes tandis que le scorpion est connu pour sa piqûre venimeuse. L’idée est la même. C’est le stade coagula du troisième œuvre qui est évoqué. L’animal mord le phylactère de ses chélicères et de sa queue. Il remord, en référence à la cuisson du Rebis ou rémora. Le phylactère replié deux fois prend l’apparence d’un huit de chiffre, symbole du Christ et donc de la Pierre.

Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres.

Notre pèlerin va bon train. Son bourdon a marié les deux principes antagonistes comme sur cette image du bréviaire de Flamel :

Le bourdon est vraiment le moyen terme, la verge d’or.

L’avant bras igné répand le fruit du travail, des chataignes, castanéa. Certaine bogue éclate, signe de murissement.

Le message : « concussus surgo », heurté, je rebondis.

La chataigne reprend l’image des oursins et autres échinéus chers à Fulcanelli.

Dans les DMP, il explique : « Au plafond de la chapelle Lallemant, à Bourges : des châtaignes. Or, ce fruit auquel son péricarpe épineux a fait donner le nom vulgaire de hérisson (en grec εχινος, oursin, châtaigne de mer), est une figuration assez exacte de la pierre philosophale telle qu’on l’obtient par la voie brève.

Elle paraît, en effet, constituée d’une sorte de noyau cristallin et translucide, à peu près sphérique, de couleur semblable à celle du rubis balai, enfermé dans une capsule plus ou moins épaisse, rousse, opaque, sèche et couverte d’aspérités, laquelle, à la fin du travail, est souvent crevassée, comme l’écale des noix et des châtaignes.

Ce sont donc bien les fruits du labeur hermétique que la main céleste jette contre le rocher, emblème de notre substance mercurielle. Chaque fois que la pierre, fixe et parfaite, est reprise par le mercure afin de s’y dissoudre, de s’y nourrir de nouveau, d’y augmenter non seulement en poids et en volume, mais encore en énergie, elle retourne par la coction à son état, à sa couleur et à son aspect primitif. On peut dire qu’après avoir touché le mercure elle revient à son point de départ. Ce sont ces phases de chute et d’ascension, de solution et de coagulation qui caractérisent les multiplications successives qui donnent à chaque renaissance de la pierre une puissance théorique décuple de la précédente ».

Matière prochaine de la pierre car ces bogues ressemblent plutôt à l’aspect des œufs des Colombes de Diane au sortir des Aigles lorsqu’une certaine végétation pousse à la surface des granules.

A pisser contre la bise, tu en seras toujours à mouiller tes sabots, nous dit la sagesse populaire. Mais là, il n’est pas question de cela ! Car l’angelotte montre au contraire une grande adresse pour diriger son jet d’urine, pile dans la cible. Et cette cible est le sabot, la fève de la galette, le petit roi, le dauphin. L’urine, « urina » en latin est proche de « ouron » en grec et ouranos qui désignait le ciel chez ce peuple. C’est l’eau des sages, fécondante et purificatrice.

A l’issue du dernier Aigle, on procèdera à une ultime distillation du Mercure animé. Puis on envisagera une ultime lotion au sel Harmoniac.

Il m’a fallu du temps pour pénétrer ce message. C’est en relisant le « Laboratoire Alchimique » d’Atorene que j’ai enfin saisi toute la portée symbolique de cette scène. Atorene évoque la Conjonction (troisième œuvre) tentée par Canseliet un Mardi 15 Mai 1938 et expose une donnée particulièrement intéressante. Il décrit les poids : du Vase de l’Art (creuset, coussins …) et du vase de nature constitué du Rémore et du Sel, donc du Mercure animé au sortir de la dernière Aigle et du précieux Soufre collecté avec grand soin.

Dans ce tableau, nous savons que le sabot représente le Rebis. Le jet d’urine symbolise le Sel d’Harmonie. Le tout conjointement relié au vase naturel caché dans l’abdomen de la jeune angelotte à savoir son utérus. Organe ad-hoc pour imager une œuvre nocturne, c à d « au noir ».

Nous avons là, la représentation de la Conjonction ou troisième œuvre.

Les cadavres des Colombes de Diane du dernier Aigle sont broyés au mortier. Ces volatiles, calcinés de manière centrale, qui ne contiennent plus que de l’Argent alchimique, sont amalgamées en proportion de un pour deux avec le Mercure susnommé.

Fabrication des petites billes qui sont ensuite mises à sécher. Puis transfert dans l’œuf de verre, un matras à long col de 50 à 120 ml :

« La forme retenue de l'œuf de verre est absolument primordiale, notamment celle, outre la sphéricité du corps, du long col permettant d'établir in vitro tout un différentiel de température au sein même du bain de sable et autorisant une parfaite sublimation du Mercure animé, favorisant ses montées et descentes, ses Rotations entre Ciel et Terre, « guilgoulim » des Kabbalistes.

L'ensemble est placé au cœur du bain de sable constitué, rappelons-le, d'une casserole ou marmite en verre de type « vision », noyée dans le ciment réfractaire, isolée avec soin avec de la laine de céramique puis de la laine de verre, remplie de sable également réfractaire et contenant un cordon chauffant de laboratoire pouvant monter à une température minimale de 450 °C et relié à un régulateur électronique. On n'oubliera pas de prévoir un excellent thermomètre de laboratoire adapté à ces relativement hautes températures et l'on évitera de mettre l'œuf de verre au contact direct du cordon chauffant que l'on lovera de préférence vers les bords extérieurs du bain de sable.

Commence alors une odyssée philosophique de plusieurs mois, marquée par le départ du vaisseau Argô vers la conquête de la Toison d'Or, en se souvenant naturellement de la proximité phonétique entre Argô et argos, l'argent lunaire en grec, ainsi que du fait mythologique que ce navire construit à partir du bois de chêne, et son mât plus particulièrement à partir de celui d'un chêne sacré de Dodone, dédié à Zeus le maitre de la Foudre, avait acquis une âme et parlait, prophétisait à la manière d'un véritable condensateur fluidique ce que l'Alchimiste doit comprendre comme la véritable animation Philosophique du Mercure.

La douce montée en température, débute à la chaleur corporelle de 42 °C, pour culminer vers celle de 400 °C des semaines, des mois plus tard. Progressivement, à mesure que la température s'élèvera, de fascinants phénomènes tant intérieurs qu'extérieurs ne manqueront pas de se produire et d'être observés, le plus notable d'entre eux étant constitué par la croissance à partir du Mercure animé d'un véritable Arbre philosophique, porteur de feuilles et de fruits métalliques, et possédant l'étrange faculté de mourir sur le bûcher que constitue son nid embrasé par les hautes températures, un nid rempli de ses œufs, nos anciennes pilules d'amalgame, puis de se régénérer à partir de ceux-ci, en un nouvel Arbre accueillant sur ses branches le Phénix alchimique.

Cet Arbre de la Vie et de la Connaissance, cet émetteur d'ondes subtiles invisibles tant pour le profane que pour le souffleur, ce phare hermétique nous permettra de prendre un nouvel envol vers des horizons alchimiques inédits, guidés par l'allumage du Feu Secret.» Séverin Lobanov, le Laboratoire.

Quant à la ruche, elle symbolise avant tout l’athanor.

Les manuscrits enluminés nous livrent la teneur du phylactère : « Poi[n]t ma [belle] la plus belle ». Frédéric Sailland d’ajouter : « .. débute par un verbe pouvant signifier « piquer, faire souffrir » et, dans un contexte grivois, « faire l’amour », comme si les piqûres des abeilles étaient une métaphore d’un douloureux chagrin d’amour ».

Les abeilles symbolisent le Christ par leur aptitude à adoucir de leur miel notre vie. Elles sont également le symbole du travail, de la persévérance. Et Dieu sait s’il en faut pour mener à bien la semaine sainte, « Hebdomas Hebdomarum », la grande coction dont le détail est exposé au chapitre des Templiers.

Le miel est le symbole de la médecine universelle, l’élixir.

Contrairement à Atlas, le putto s’amuse à jongler avec son plat porteur du feu céleste.

Un « Phosphore ».

Le nom dérive du mot grec φώσφορος (phosphoros), qui signifie « porteur de lumière » et évoque la planète Vénus, l'étoile du berger. Cette origine a été attribuée au fait que le phosphore blanc émet de la lumière visible dans l'obscurité quand il est exposé à l'air, par chimiluminescence.

La découverte de cet élément est attribuée à l'alchimiste allemand Hennig Brandt en 1669 à partir de l'urine.

Débander l’arc ne guérit pas la plaie nous dit le proverbe. Mais Cupidon n’a plus besoin de tirer, notre adepte a atteint la lumière. Les artifices sont désormais inutiles.

Le 22 juillet 1487, fête de Marie Madeleine, le centre-ville de Bourges s’embrase. Jean l’aîné en profite pour racheter des parcelles rue de la Narette sur le tracé de l’ancien mur gallo-romain.

Il y construit son hôtel.

En façade cette rue, il installe ses bureaux et magasins.

Un escalier en angle permet de voyager dans les étages.

La porte de cet accès est ornée d’un étonnant hommage à Pâris, fils de Priam : « PARBIVS FILI PRIAM REX TRECENECN MAGNA »

, que l’on dit Troyen. Je ne suis pas persuadé par la traduction de TRECENE ?N avec un N inversé au milieu …

Pâris ou Alexandre, était le fils cadet de Priam et d’Hécube et le frère de Cassandre et d’Hector. Hécube enceinte, Cassandre prédit que le futur prince qu'elle porte causera la perte de Troie. Effrayé, Priam ordonne que l'enfant soit assassiné. Pâris est ainsi abandonné sur le mont Ida, où toutefois il se trouve recueilli par un berger du nom d'Agélaos. Devenu adulte, il se fait reconnaître comme prince troyen, fils de Priam. Alors qu'il garde ses troupeaux de moutons, il voit apparaître devant lui Aphrodite, Athéna et Héra, qui lui demandent de choisir à qui doit être remise la « pomme de discorde », destinée « à la plus belle des déesses de l'Olympe » : c'est le jugement de Pâris. Pâris opte pour Aphrodite, qui lui promet l'amour de la plus belle femme du monde. Il enlève donc Hélène, femme de Ménélas ; ce qui déclenche la guerre de Troie. Vaincu par Ménélas en combat singulier, il doit son salut à l'intervention d'Aphrodite. Guidé par Apollon, il tue Achille d'une de ses flèches, avant de mourir de celles de Philoctète. Pâris a un rapport direct avec Aphrodite et donc avec la Vénus romaine. Il est coiffé, ici, d’un casque au rostre d’animal fabuleux. Des cornes de bélier protègent ses oreilles.

Par un passage vouté, la zone de vie et d’activité rejoint la zone des communs sise rue Bourbonnoux.

La façade de la haute cour présente des fenêtres à meneaux dont les retombées de linteaux sont décorées de chimères et autres métaphores ésotériques.

En haut à gauche, sortant de sa coquille, Bernard l’ermite qui rappelle par bien des aspects l’homme des Bois de Thiers abondamment décrit par Fulcanelli. Lui répond justement un singe.

« Cet homme simple, aux cheveux abondants et mal peignés, à la barbe inculte, cet homme de nature que ses connaissances traditionnelles portent à mépriser la vaniteuse frivolité des pauvres fous qui se croient sages, domine de haut les autres hommes, comme il domine l’amas de pierres qu’il foule aux pieds. C’est lui l’Illuminé, parce qu’il a reçu la lumière, l’illumination spirituelle. Derrière un masque d’indifférente sérénité, il conserve son mutisme et met son secret à l’abri des vaines curiosités, de l’activité stérile des histrions de la comédie humaine. C’est lui, ce silencieux, qui représente pour nous le Myste antique (du grec Μυστης, chef des initiés), incarnation grecque de la science mystique ou mystérieuse (µυστηριον, dogme secret, ésotérisme) ».

Ici, la connaissance est imagée par la conque d’où sort l’homme velu. Symbole de l’ordonnance parfaite de la matière soumise au nombre d’or. Lui fait face, le singe de la comédie humaine, soumis au lien des basses valeurs terrestre.

A droite une sirène au miroir. La sirène est l’emblème des natures unies et pacifiées, sentiments exprimés par l’animal qui lui fait face (un âne ? Référence à l’Ane timon, anagramme d’Antimoine).

En bas, deux chimères s’affrontent. Celle de droite est handicapée, la patte avant prise dans un collier. Nous voyons se combattre deux natures différentes : « les matériaux secrets dont la destruction réciproque ouvre la première porte de l’Œuvre. Ces corps sont les deux dragons de Nicolas Flamel, l’aigle et le lion de Basile Valentin, l’aimant et l’acier de Philalèthe et du Cosmopolite. Quant à l’opération par laquelle l’artiste insère dans le sujet philosophal l’agent igné qui en est l’animateur, les Anciens l’ont décrite sous l’allégorie du combat de l’aigle et du lion, ou des deux natures, l’une volatile, l’autre fixe ».

En bas à droite, un cerf ailé (l’âme, Mercure) porte étonnamment une couronne (l’esprit, Soufre) sur son cou, sa nuque, afin d’évoquer le mot « nux » et donc « Lux ».

Ce symbole fut adopté par Charles VI puis Charles VII. La légende dit que Charles VI chassait en forêt de Senlis lorsqu'il tomba nez à museau avec un grand cerf blanc, qui portait à son cou un collier mentionnant Caesar hoc mihi donavit, « César me l'a donné pour me récompenser ».

Sous l’échauguette de droite, l’Adepte et le Mercure Philosophique :

L’Alchimiste au matras :

Vers l’oratoire :

La toison d’or :

Guillaume l’aïeul, grand-père de Jean l’aîné était un ami de Jacques Cœur. Paradoxalement, les figures alchimiques au Palais Jacques Cœur sont rares. Il faut se diriger vers la chapelle, à nouveau …, pour trouver des références.

Trois tableaux ornent le hall d’accès à l’escalier :

Travail de femmes et jeu d’enfant.

A gauche, un moine métallurgiste.

Au centre, le précieux matras. Il en décoiffe l’officiant, tandis qu’un autre s’en va, préférant rester aveugle et que l’autre, ignorant, a remisé son livre dans sa protection.

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